Archives; April 2010, a cover

Jul 19, 2011, 05:02 PM

Avril 2010, je devais être en deuxième semaine de douleurs intenses. Les "séances" pouvaient durer jusqu'à 18 heures de rang avec des "plages" insoutenables de pics durant plus de 8 heures, voire 12, sans répit.

Les douleurs s'alliant aux souvenirs d'où elles venaient rendaient le tout insupportable. J'hurlais pendant des heures... Un jour j'ai décidé d'enregistrer pour garder une mémoire de ces moments horribles vécus seules et aussi pour me sentir moins seule.

De fait, ces enregistrements ont structuré la houle et j'ai cherché à tirer parti des éruptions de vocalises sauvages pour éventuellement en faire quelque chose plus tard. Un peu de civilisation dans le revival de barbarie, ça ne pouvait pas faire de mal.

Cette nuit-là, vers 2 heures du matin, j'étais arrivée après des heures d'horreur à une espèce de palier où je pouvais marcher quelques secondes et sortir du tournis des cris pour utiliser ma voix de façon plus constructive.

Complètement défoncée par les anti-douleurs à la codéine qui faisaient chevaucher le tragique de mon état et un enthousiasme de façade qui me rendait service ("on dirait que j'ai bu" dis-je à juste titre), j'ai décidé de "reprendre" "Digging in the dirt" de Peter Gabriel, qui me semblait approprié.

Or au lieu d'être adéquat, il n'a fait que crever la fine membrane artificielle de la codéine pour me ramener à mon enfance violentée...

Rien n'est feint.

Au jour d'aujourd'hui, que retiens-je ?

Le souvenir me rend cette audition compréhensible et je sens, de la distance où je suis, les trépidations internes (il faut savoir que même au moment où je chante, je suis repliée sur moi-même parceque j'ai mal et que les mots sont une façon de discipliner les cris) de mon malheur, je perçois la sueur, l'abrutissement, ma nudité parceque je ne supportais pas le contact avec quoique ce soit.

Je doute que sans ce souvenir, l'écoute de cette "reprise" et de ses commentaires puisse donner une idée juste de ce moment. Tout au plus, donne-t-elle à entendre qu'un être humain dans la mouise peut encore l'être, humain, avec la parole, des initiatives, aussi dérisoires soient-elles... Et qu'on peut rigoler, penser, exister en pleine fournaise...

Et aujourd'hui, comment vais-je ?

Quelques crans au dessus de cette misère, c'est indéniable, le confort recouvré, c'est déjà ça.

Pour le reste...